19 Oct Nicolas Leguyader, professeur de théâtre des 4-5 ans et 6-10 ans
– Pouvez-vous vous présenter ? Nous définir précisément votre métier ?
Je suis Nicolas Le Guyader, j’ai un parcours plutôt atypique comme beaucoup d’artistes : j’ai commencé à 30 ans. Avant je travaillais dans le secteur tertiaire en tant qu’agent immobilier, dans l’hôtellerie restauration, responsable événementiel…
C’est l’année de mes 30 ans, quand je me suis dit que je n’y trouvais plus de source d’inspiration et que l’on m’a conseillé, poussé à essayer le théâtre. J’ai posé ma démission. En parallèle, j’ai commencé ma formation sans pouvoir faire de cursus long et devant continuer à travailler. J’ai fait de nombreux stages : Improvisation, Interprétation et écriture… Je continue une fois par an pour
m’améliorer, peaufiner mon jeu et ma technique. Dernièrement, j’ai travaillé mon expression corporelle avec Camilla Saraceni et un stage de jeu face caméra. J’ai eu la chance côté théâtre de pouvoir être pris sur le Cyrano de Bergerac de la troupe du Grenier de Babouchka. Et du côté de l’audiovisuel, j’ai tourné des publicités, des programmes courts et des web séries.
Aujourd’hui, je continue ce parcours, j’ai monté ma compagnie culturelle de théâtre, la compagnie An Telenner et je donne des cours de théâtre amateur pour adultes. L’envie de transmettre et de partager est très présente. C’est en montant cette compagnie que j’ai retrouvé une forme d’indépendance, une satisfaction de pouvoir recevoir les retours en direct sur la qualité de mon travail.
En parallèle, j’ai eu la possibilité de rencontré Sophie d’Olce, directrice artistique de la Compagnie Maya pour donner des cours de théâtre pour enfants les samedis matins, un pour les 4-5 ans et un autre pour les 6-10 ans. Cela demande beaucoup
d’énergie, mais c’est un travail précieux, très intéressant. J’apprécie aussi de pouvoir écrire des textes pour mes groupes d’élèves. Je suis aussi formateur en communication théâtrale : je donne les outils du comédien, des mises en situation, des apports théoriques, aux employés/employeurs d’entreprise. Le théâtre d’entreprise m’a permis de revenir un petit peu dans le monde du tertiaire tout en gardant ce côté artistique.
– Qu’enseignez-vous à la Compagnie Maya ?
Je dirige chaque semaine deux ateliers pour enfants le samedi matin. Je travaille comme avec les adultes, en adaptant les exercices, et en modifiant/inversant, c’est très intéressant d’étudier les réactions. Un temps d’exercices, notamment pour canaliser/lâcher les énergies, pour réussir ensuite à avoir un temps de concentration pour les passages sur le texte (qui arrive seulement au second semestre). L’objectif est que les enfants, de manière ludique, puissent s’exprimer par le corps. Je travaille sur leur éveil. En effet, certains sont plus réservés que d’autres, certains prennent plus ou moins de place…
Je suis attaché aux valeurs du théâtre et souhaite les transmettre en cours, comme l’écoute, savoir regarder l’autre, le volume de la parole, la manière de parler, s’adresser aux autres… J’amène chacune de ces petites thématiques tout doucement en fonction des âges, pour que cela devienne un travail régulier ; je le conserve tout au long de l’année, ça devient des habitudes et les enfants deviennent de plus en plus à l’aise.
– Comment se sont passés vos premiers ateliers ?
Quand j’ai démarré, j’avais un petit peu d’appréhension, je souhaitais vivement que les enfants en retirent quelque chose. Je me souviens d’avoir été un petit peu surpris, une élève avait perdu une dent en plein cours, pendant que d’autres s’agitaient plus loin, et que moi je faisais travailler un autre enfant… Beaucoup de choses arrivaient en même temps ! Il s’agit d’être très vigilant pour que tout se passe bien. Petit à petit, j’ai tenté de faire respecter le cadre du théâtre, celui mis en place dans mon cours.
Maintenant les enfants arrivent plus calmes à mon cours. Ce qui est super, c’est de voir l’évolution, mais cela ne veut pas forcément dire qu’ils repartent très calmes ! Avec le temps des silences notamment, sans avoir forcément besoin de beaucoup parler, une énergie de groupe se crée.
– Quelles sont les qualités à avoir pour travailler avec les enfants ?
Je parle « normalement » aux enfants, ce qui est très important, en prenant du temps, en les regardant et en leur demandant de faire pareil entre eux. En tant que professeur de théâtre, avec une part d’animation, travailler avec les enfants c’est écouter, c’est accompagner tout en faisant confiance. Et toujours avec un ton naturel. Il s’agit aussi d’être dans l’observation, des caractères et personnalités de chacun et sachant s’adapter, trouver un équilibre. Afin que tout le monde y prenne son plaisir. Mon objectif est qu’ils ressortent avec une satisfaction personnelle, et/ou de groupe, qu’ils aient aimé participer et qu’ils se soient amusés. Par exemple, en validant les textes pour les enfants, j’ai décidé de prendre une feuille blanche, de débuter un « brainstorming » avec eux, en partageant les idées des uns et des autres, tous ensemble. « Dinosaures, super héros, princesses, aventure, nature… » sont les thématiques qui sont sorties.
J’ai écrit par la suite, nourri des idées des enfants et de ma touche personnelle, ce que j’ai trouvé très enrichissant. J’essaie d’y glisser des métaphores, des images, des histoires « double sens ». Voir la réaction des enfants et des parents, c’était super. Les enfants sont conscients et ont compris tout de suite, les parents peuvent parfois être surpris, mais on verra bien ! Chaque enfant fait son imaginaire par rapport au texte et ça parle !
– A quoi faut-il faire attention ?
Je n’hésite pas à parler aux parents, faire un suivi, et dire quand il y a des moments plus difficiles que d’autres avec les enfants. J’ai parfois cette frustration du temps de cours qui passe très vite, et l’envie pour eux de rentabiliser chaque minute de cours. Or il est important de savoir poser le temps quoi qu’il arrive, notamment parfois pour recadrer. Cela fait sens.
– Comment dirige-t-on un enfant ? Notamment dans l’activité artistique ?
Pour le moment, je débute le travail de texte avec les petits. Par exemple, si je présente un texte avec des personnages de la forêt, je vais commencer par leur demander « comment tu ferais une grenouille ? ». J’inclus aussi des exercices de préparation, « Jouer le chêne, le sapin… quelle est la différence ?» Je suis aussi dans la proposition, la suggestion. Les enfants vont le vivre par le corps. Pour mon groupe de 6-10 ans, un peu plus « grand », ce sera plus rapide que les petits, pour qui cela prend plus de temps de les inviter à jouer. Je leur demande de faire des propositions, comme avec les adultes, et si quelque chose bloque, nous travaillons dessus : le groupe va s’autoréguler, se faire travailler, ensemble. Je suis là pour ajuster, cadrer, en partant d’abord de leurs propositions.
– Quels sont les bienfaits du théâtre pour les enfants ? Qu’est-ce que le théâtre apporte ?
Je ne suis pas éducateur et je n’hésite surtout pas à le dire, je suis professeur de théâtre. Je dirai que le théâtre est synonyme de travail en groupe, d’écoute, de regard, de respect… seul ou en groupe pour JOUER et créer un objet artistique. C’est en prenant le temps, en écoutant, que cela permet de canaliser, il faut prendre un temps de pause, pour réussir à s’amuser, sans jamais imposer. Je demande notamment à la fin de cours, ce qu’ils en ont pensé. Les parents sont souvent dans cette démarche là aussi en amenant leurs enfants au théâtre, c’est apprendre en s’amusant.
J’essaie toujours de mettre des valeurs dans le cadre théâtral, avec des exercices où l’on doit respecter une règle par exemple. Pour qu’ensuite on puisse rigoler dans ce cadre bienveillant, mais de travail. C’est notamment cela, qui personnellement me demande de l’énergie !
– Qu’aimez-vous le plus dans votre métier de professeur de théâtre ?
C’est de voir l’évolution et le plaisir que peuvent prendre mes élèves. Quand ils s’amusent ! Quand ils gagnent confiance en eux, au niveau de la voix, de la présence, du non jugement, de la justesse… Quand ils arrivent à se libérer, libérer leur potentiel, je suis content !
– Vous êtes aussi auteur ? Vous pouvez nous en parler ?
Ma toute première pièce est partie d’un patchwork de scènes classiques. J’écrivais une forme mêlant textes du répertoire classique et contemporain. Ceci fut un premier test pour voir les retours et améliorer la structure d’un texte et les enjeux des personnages au théâtre. Lors de mon passage à l’atelier de Pierre Palmade, j’ai pu apprendre quelques outils de l’écriture et du jeu dans le registre comique : nous testions des sketchs, ça m’a permis de découvrir un registre. Puis aussi, à l’atelier de Bruno Banon et Anouche Setbon au Théâtre de l’Atelier, j’ai écrit des saynettes. Et enfin, j’écris pour mes cours de théâtre avec la Compagnie Maya ! Mon prochain projet d’écriture va débuter bientôt. J’ai bien envie d’écrire une forme courte avec des artistes pluridisciplinaire.
– Quelles sont vos dernières actualités ?
3 projets audiovisuels pour les trois prochains mois. J’accompagne au théâtre Catherine Pavet, comédienne et musicienne, sur un
texte de Philippe Dorin : Deux Mots. Mon objectif est désormais de trouver un équilibre dans mon planning pour pouvoir développer mon propre projet artistique.
– Pouvez-vous nous raconter un bon souvenir ?
C’est le tout premier cours, j’y allais en voulant bien faire, je me suis retrouvé à rigoler de moi-même, dans une boule de feu d’énergie, à gérer, et essayer de canaliser les enfants, et en m’étant mis un peu trop la pression ! Mon cadre n’était pas encore fixé. C’était drôle, je rigolais de ma situation, je me suis dit que si il y avait eu une caméra, mes proches ce seraient bien marrés. Mais c’était super, j’ai eu des retours rapidement, les enfants et parents étaient contents. J’avais peur d’être peut-être trop dur, et de ne pas s’avoir m’adapter, je voulais toujours y prendre du plaisir. Le premier cours, c’était un petit choc, mais très rigolo !